MONTRÉAL, le 18 juin 2016
Objet: Boycott des stages et internats
Les syndicats qui représentent les psychologues dans le réseau public de la santé ont annoncé en début d’année une entente de principe avec le gouvernement dans le cadre du renouvellement de leur convention collective (12 janvier 2016 pour l’APTS et 8 mars 2016 pour la CSN). Cette entente a été entérinée dans les semaines suivantes lors de votes en assemblées générales (annonce de l’APTS le 9 mars 2016 et le 22 avril pour la CSN), ce qui a mis fin aux moyens de pression des syndicats. Actuellement, l’entente de principe est adoptée, mais les syndicats travaillent encore avec le gouvernement sur les textes en vue de la signature finale de la convention collective. Dans le cadre de cette entente, le gouvernement a accepté de réinstaurer la prime d’attraction-rétention qui était versée aux psychologues qui travaillaient dans le réseau à raison de 4 ou 5 jours par semaine. Cette prime, qui avait été abolie à la fin mars 2015, sera finalement versée de manière rétroactive aux psychologues concernés du réseau de la santé et appliquée, selon les mêmes modalités, aux psychologues du réseau de la santé et de l’éducation (psychologues scolaires).
Bien que cette prime vise notamment à inciter les psychologues à travailler à temps plein dans le réseau public, le recrutement de psychologues demeure difficile puisqu’une majorité choisit tout de même de travailler en partie ou en totalité dans le secteur privé. Par conséquent, de nombreux postes de psychologues sont actuellement vacants ou non remplacés dans le réseau public. Cette situation de “pénurie artificielle” prive la population de l’expertise des psychologues par un manque d’accès à des évaluations et des interventions (psychothérapie, réadaptation) psychologiques et neuropsychologiques.
Pour l’AQNP, le problème de l’accessibilité gratuite aux évaluations et interventions des neuropsychologues dans le réseau public demeure très préoccupant. Il apparaît toutefois évident qu’il faudra faire mieux que de simplement reconduire cette prime déjà appliquée de 2012 à 2015 pour convaincre les psychologues du privé à venir travailler dans le réseau public. Une augmentation de la rémunération applicable à tous les psychologues du réseau (indépendamment du nombre d’heures travaillées) est certainement un des moyens les plus efficaces pour favoriser l’attraction et la rétention dans le réseau public. De plus, l’accès à l’expertise des neuropsychologues requiert également la création de postes supplémentaires dans le réseau public.
La rémunération des internats pour les doctorants en psychologie s’avère une avenue supplémentaire pouvant optimiser l’attraction dans le réseau public. Avant même d’entamer leurs internats, les internes doivent avoir complété la majeure partie de leur formation doctorale et 700 heures d’un premier stage (practicum) souvent réalisé à l’université. Les 250 doctorants qui entreprennent leur internat chaque année au Québec acquièrent rapidement de l’autonomie et enrichissent les milieux d’internats par leurs connaissances. De plus, selon les calculs de la Fédération interuniversitaire des doctorant.e.s en psychologie du Québec (FIDEP), ce sont 12 000 patients québécois qui sont évalués/traités annuellement par les stagiaires et internes en psychologie. Or, les doctorants accumulent leur expérience clinique sans aucune forme de rémunération pour les 1600 heures de travail accomplies lors de l’internat.
Dans le but d’obtenir une juste rémunération des internats, les doctorants se sont joints au boycott des internats initié à l’automne 2015 par les psychologues dans le contexte de l’abolition de la prime. Les doctorants ont également décidé d’appliquer le boycott aux stages (practica), ce qui a été approuvé par un vote dans six universités. La FIDEP a produit un document synthèse à ce propos qui est disponible à l’adresse suivante: tinyurl.com/docu-fidep. Soulignons que les internes en psychologie du Québec seraient les seuls en Amérique du Nord à ne pas être rémunérés. Dans ce contexte, leur dette moyenne au moment de la diplomation est de 21 000$, et il s’agit d’ailleurs d’une raison majeure pour laquelle la majorité se dirige vers le secteur privé au terme de leurs études.
Malgré le retour anticipé de la prime d’attraction/rétention dans la foulée de la signature de la nouvelle convention collective, les psychologues ont décidé de poursuivre le boycott des internats dans la quasi-totalité des milieux cliniques afin de dénoncer le manque d’accès à leurs services et en soutien aux doctorants dans le dossier de la rémunération de leurs internats. Selon un sondage réalisé par l’AQNP auprès de ses membres au début février 2016, près de 90% des répondants ont souhaité maintenir le boycott jusqu’à l’intégration de la prime d’attraction/rétention au salaire, et plus de 75% de ceux-ci se sont montrés d’accord avec le maintien du boycott jusqu’à ce que les doctorants obtiennent la rémunération des internats.
Il faut rappeler que les conséquences du boycott ne se font pas encore concrètement sentir dans le réseau public puisque les internats visés par le boycott débutent au mois de septembre prochain. Toutefois, la sélection des candidats est généralement complétée à la fin février et, jusqu’à maintenant, aucun des principaux établissements qui offrent des internats n’a amorcé le processus de sélection. De plus, la décision des étudiants de boycotter les stages (practicum) place déjà les universités devant des problèmes de gestion du personnel, notamment en lien avec les superviseurs de stage qui doivent être embauchés pour septembre prochain. L’AQNP espère que des développements significatifs auront lieu prochainement afin d’éviter d’accroître les problèmes d’accès aux services des psychologues dans le réseau public.
L’AQNP continuera de faire des représentations pour améliorer l’accès aux services des psychologues et neuropsychologues dans le réseau et réitère son appui à la FIDEP dans son objectif d’obtenir une rémunération appropriée de l’internat dans le réseau public. Il est d’ailleurs souhaitable que la formation des psychologues se poursuive dans le réseau afin d’assurer la formation d’une main d’oeuvre possédant des compétences adaptées aux besoins du réseau. L’apport des étudiants dans le réseau public est très significatif et cette première expérience de travail est certainement déterminante pour leur motivation à venir travailler dans le réseau public. Enfin, nous souhaitons que le gouvernement mise sur des mesures multiples et cohérentes afin de favoriser l’attraction des jeunes psychologues et la rétention des psychologues d’expérience dans le réseau public, ce qui inclut la bonification de la rémunération des psychologues dans le réseau public afin de diminuer l’écart avec la rémunération dans le secteur privé.