Zoom sur… la chirurgie de l’épilepsie | Pour qui, pour quoi, comment ça fonctionne : on vous dit tout!
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Tags: Chirurgie, Épilepsie, Neurochirurgie, et Trouble neurologique.
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« Zoom sur … », c’est la toute nouvelle série que l’Association québécoise des neuropsychologues (AQNP) est ravie de vous présenter! Le concept est simple : nous réalisons une entrevue croisée avec plusieurs professionnels de la santé impliqués dans le processus d’évaluation et de traitement d’un trouble neuropsychologique ou d’une condition neurologique spécifique, afin de vous éclairer sur la façon dont l’équipe médicale collabore dans la prise en charge et les soins prodigués au patient. Pour ce tout premier billet, nous avons eu la chance de nous entretenir avec trois spécialistes du groupe d’épilepsie du CHUM, soit Dr Olivier Boucher (neuropsychologue), Dr Alain Bouthillier (neurochirurgien) et Dr Dang Nguyen (neurologue/épileptologue) au sujet de la chirurgie de l’épilepsie. Vous êtes curieux de savoir en quoi celle-ci consiste et dans quels cas elle est recommandée? C’est parti, on démystifie cette intervention avec vous!
L’épilepsie, c’est quoi au juste?
« L’épilepsie est une maladie chronique qui est caractérisée par la survenue de crises récidivantes. Les crises sont des changements de comportement transitoires qui sont dûs à des décharges neuronales excessives, comme un orage électrique qui se passe dans le cerveau », explique le Dr Nguyen.
Photo : Montage réalisé avec Canva.
Les manifestations peuvent être très variées d’une personne à l’autre, dépendant de la durée de la décharge, sa localisation et où elle se propage. « Les causes peuvent être différentes, car tout ce qui perturbe la circuiterie électrique du cerveau peut provoquer des crises : une tumeur cérébrale qui chatouille le réseau électrique, un accident d’auto qui laisse une cicatrice en arrière, des malformations du cerveau, ou encore des mutations génétiques peuvent être à l’origine de crises épileptiques », ajoute-t-il.
Comprendre la pharmacorésistance
Pour un patient épileptique, la première étape est de rencontrer le médecin pour discuter des options possibles à envisager dans le but de contrôler les crises : généralement, une médication est prescrite pour cela. Plusieurs médicaments peuvent être tentés avant que la bonne molécule soit trouvée, mais parfois, ça ne fonctionne tout simplement pas. C’est ce qu’on appelle la pharmacorésistance. Dans ce cas, le médecin peut proposer d’autres alternatives, dont la chirurgie de l’épilepsie.
Photo : Montage réalisé avec Canva.
Un premier point essentiel à noter au sujet de la chirurgie de l’épilepsie est qu’elle s’adresse à une patientèle spécifique : en effet, dans presque tous les cas de figure, ce sont des personnes pharmacorésistantes qui vont envisager la procédure; c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas répondu à deux médicaments anti-crises à dose adéquate et adaptés à leurs types de crises. Pourquoi deux? C’est parce que, passé ce chiffre, les probabilités que la personne ne fasse plus de crises grâce aux médicaments sont moindres.
« Dans les études épidémiologiques et de cohorte, on voit qu’environ 50% des patients voient leur épilepsie contrôlée avec un seul médicament », nous dit le Dr Nguyen. « Ensuite, si on essaye un deuxième médicament, on est capables de contrôler un autre 10 à 15%. Mais pour les 35% qui restent, quand on essaye un troisième médicament ou plus, les chances de contrôle complet des crises tournent alors seulement autour de 5 à 10% ».
S’il n’est pas évident de déterminer ce qui cause la pharmacorésistance, on sait que certains types d’épilepsie ou certaines lésions épileptogènes sont plus difficiles à contrôler avec des médicaments. « Dans le cas des épilepsies qui sont dues à une cicatrice post-AVC, c’est généralement facile », poursuit le Dr Nguyen. « Par contre, pour quelqu’un qui a une sclérose hippocampique, on sait qu’il y a plus de chances que ce soit difficile. » Et, comme une personne avec sclérose hippocampique a un potentiel non négligeable d’un bon devenir post opératoire, l’équipe médicale va souvent être amenée à lui proposer la chirurgie de l’épilepsie.
À qui s’adresse la chirurgie de l’épilepsie?
Notons bien qu’une partie seulement des pharmacorésistants pourront être éligibles à cette intervention. « Les bons candidats sont ceux à qui on prédit de bons taux de succès avec la chirurgie et des risques opératoires faibles puisque leur foyer épileptique est bien délimité et situé dans une région relativement sécuritaire à opérer », mentionne l’épileptologue. « Il faut les identifier tôt au lieu d’essayer de nombreux médicaments avec de faibles chances de succès, afin que la maladie ait moins d’impact aux niveaux économique, social, familial et cognitif pour eux. » Par contre, d’autres patients vont être des cas dits « compliqués », par exemple s’ils ont un foyer dans une zone plus délicate à opérer (un endroit dans le cerveau proche des fonctions éloquentes et fonctionnelles qui peuvent entraîner des complications), ou bien lorsqu’ils ont plusieurs foyers épileptogènes. Pour eux, les taux de succès sont moins élevés et les risques de complications sont plus importants : « Dans ce cas, c’est une discussion entre le patient et le médecin pour voir ce qui est le mieux pour lui. L’approche et le traitement sont donc personnalisés selon l’épilepsie, l’âge de la personne et l’étiologie sous-jacente. »
Généralement, les patients pharmacorésistants considéreront plus volontiers la chirurgie lorsque leur qualité de vie et leur fonctionnement cognitif au quotidien sont fortement affectés.
Photo : Montage réalisé avec Canva
En effet, l’activité électrique dans le cerveau et la survenue de crises épileptiques récurrentes peuvent avoir des conséquences sur les fonctions cognitives des personnes atteintes d’épilepsie, notamment la mémoire. Comme le suggère Dr Boucher, « Les plaintes peuvent porter à la fois sur la mémoire à court terme (ex : de la difficulté à se souvenir de ce qu’on était en train de faire avant d’être interrompu par autre chose) et sur la mémoire à long terme (avec notamment de la difficulté à apprendre de nouvelles tâches ou à se souvenir de conversations), voire à très long terme (avec l’oubli de souvenirs autobiographiques tels que des voyages). »
Cela peut avoir des conséquences sur la vie de tous les jours, mais aussi sur le plan professionnel et/ou interpersonnel. Par ailleurs, les personnes épileptiques peuvent rapporter des atteintes au niveau de l’attention et du langage. « La peur de chercher ses mots en public peut entraîner un évitement de certaines situations sociales; quant aux plaintes attentionnelles, elles sont variées et peuvent comprendre un ralentissement de la pensée et des difficultés à effectuer plusieurs tâches à la fois », détaille le neuropsychologue.
Il revient donc au patient éligible à une chirurgie de l’épilepsie de juger de l’impact de la maladie sur sa qualité de vie et son quotidien pour déterminer s’il veut opter pour cette alternative. Si les répercussions des crises sur son bien-être, sa confiance en soi, ainsi que sur la pratique des activités courantes et de loisir sont trop importantes, la chirurgie de l’épilepsie peut alors être la solution vers laquelle se tourner. On en jase plus en détail? Suivez le guide, en page 2!
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