Illustration d’une vignette clinique 

Caroline est née avec une grande prématurité, à 25 semaines de gestation. Après plusieurs semaines passées à l’unité de périnatalité, elle a pu entrer à la maison avec ses parents, soulagés d’avoir une petite fille en bonne santé. Cependant, le pédiatre les avait prévenus que Caroline pourrait éventuellement présenter des retards de développement et d’apprentissage en grandissant. Au cours des deux premières années, la petite fille donnait l’impression de se développer normalement. Mais vers l’âge de 3 ans, Caroline semblait avoir davantage de difficultés à se faire comprendre, par rapport aux autres enfants de son âge. Les parents ont alors fait appel à une orthophoniste, laquelle a conclu à un retard de langage et proposé différentes interventions et activités de stimulation pour permettre au langage de Caroline d’évoluer avant que celle-ci n’entre à l’école. Au moment où elle a intégré la maternelle, la fillette semblait avoir évolué favorablement sur le plan du langage. Malheureusement, ceci ne l’a pas empêché d’éprouver des difficultés d’apprentissage dès son entrée à l’école. Elle a d’ailleurs dû reprendre sa maternelle et fait l’objet d’un suivi en orthopédagogie tout au long du primaire. Puis, alors qu’elle avait environ 7 ans, ses parents se sont inquiétés de voir que Caroline prenait de plus en plus de retard à l’école. La période des devoirs était d’autant plus difficile que les parents tentaient de revoir les notions vues en classe durant la journée, pour éviter que Caroline ne prenne davantage de retard. Mais malgré le soutien des parents, l’enfant se plaignait souvent de ne rien comprendre et s’opposait. L’enseignante, pour sa part, observait que la fillette avait du mal à suivre le rythme, qu’elle semblait avoir de la difficulté à se concentrer et qu’elle bougeait beaucoup en classe. Sur la base de ces informations, le pédiatre a posé un diagnostic de TDAH et a prescrit un psychostimulant à l’enfant. La médication a permis à Caroline d’être un peu moins agitée en classe et de pouvoir se concentrer davantage. Néanmoins, malgré la médication, les interventions de l’orthopédagogue à l’école et le soutien des parents, Caroline peinait à obtenir la note de passage, aussi bien en français qu’en mathématique. Sur le plan social, Caroline avait des amis avec lesquels, toutefois, elle était souvent en conflit. Il lui arrivait aussi de vivre de l’intimidation à l’école. Les parents, pour leur part, trouvaient qu’elle manquait de maturité, qu’elle faisait trop facilement confiance aux autres et qu’elle était facile à manipuler. Au moment d’intégrer le secondaire, Caroline a été évaluée en neuropsychologie. Cette évaluation a permis de mettre en évidence une déficience intellectuelle légère chez la jeune fille. La nouvelle de ce diagnostic, à laquelle les parents s’attendaient tout de même, leur a causé beaucoup de peine, tout en leur permettant de s’expliquer tout ce que Caroline avait vécu de difficile à l’école depuis sa petite enfance.

Les manifestations

L’histoire de Caroline illustre bien comment les signes d’une déficience intellectuelle légère (DIL) se manifestent d’abord par des retards de développement en bas âge, puis par des difficultés d’apprentissage, qui sont habituellement évidentes dès le début du primaire. Bien que les enfants avec une DIL puissent apprendre par répétition (la mémoire à long terme est d’ailleurs souvent une de leur force personnelle), ils apprennent à un rythme souvent plus lent que celui des autres enfants du même âge. Les enfants ayant une DI ont habituellement de la difficulté à généraliser, c’est-à-dire qu’ils ont de la difficulté à utiliser leur bagage d’expériences ou de connaissances acquises pour générer une solution à un nouveau problème, ou encore à déduire la solution à un problème en utilisant les connaissances connues sur un problème semblable. Face à de nouvelles situations, ils ont ainsi besoin d’explications concrètes et l’apprentissage exige habituellement de fréquentes répétitions. On ne peut donc pas avoir les mêmes attentes, sur le plan de la scolarisation, envers un enfant qui a une DI, comparativement à un enfant neurotypique. 

Au-delà des difficultés d’apprentissage, l’enfant ayant une DI aura aussi de la difficulté à fonctionner de façon autonome. Ces enfants ont habituellement besoin de l’aide des adultes, dans une plus grande mesure que leurs pairs du même âge. On doit beaucoup plus souvent leur rappeler ce qu’ils ont à faire, leur donner des explications supplémentaires, simplifier les consignes, et leur montrer concrètement comment accomplir certaines tâches et activités du quotidien. Il n’est pas rare non plus, qu’à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, alors que les attentes envers leur autonomie deviennent de plus en plus grandes, que ces enfants devenus grands aient encore grand besoin d’être accompagnés pour fonctionner au quotidien. 

En vieillissant, les jeunes avec une DI paraîtront aussi manquer de maturité et même s’intéresser à des sujets, des jeux ou des activités qui plaisent habituellement davantage à des enfants plus jeunes. Ce sont également des jeunes qu’il faut protéger davantage. En effet, leur jugement plus immature les amène parfois à ne pas percevoir les situations qui pourraient éventuellement les mettre en danger (p. ex. faire confiance trop facilement, se faire abuser ou manipuler), mais aussi à ne pas savoir comment se défendre ou se sortir de ces situations dangereuses. 

Définition

La déficience intellectuelle (DI, ou « handicap intellectuel » ou « trouble du développement intellectuel », dans la traduction française du DSM-5) est maintenant catégorisée comme étant un trouble neurodéveloppemental, tout comme le trouble du spectre de l’autisme (TSA), les troubles spécifiques des apprentissages, le TDAH et plusieurs autres. Ce qui signifie que la DI est considérée, dans la majorité des cas, comme un trouble que l’on diagnostique habituellement dans l’enfance, qui est souvent d’origine génétique et/ou héréditaire et qui est associé à des dysfonctionnements neuropsychologiques/cognitifs. 

Le DSM-5 définit les critères diagnostiques de la DI de la façon suivante :

Handicap intellectuel (Trouble du développement intellectuel)
Critères diagnostiques
Le handicap intellectuel (trouble du développement intellectuel) est un trouble débutant pendant la période du développement, fait de déficits tant intellectuels qu’adaptatifs dans les domaines conceptuels, sociaux et pratiques. Les trois critères suivants doivent être présents :
A. Déficit des fonctions intellectuelles comme le raisonnement, la résolution de problèmes, la planification, l’abstraction, le jugement, l’apprentissage scolaire et l’apprentissage par l’expérience, confirmés par l’évaluation clinique et les tests d’intelligence individuels standardisés.
B. Déficit des fonctions adaptatives qui se traduit par un échec dans l’accession aux normes habituelles de développement socioculturel permettant l’autonomie et la responsabilité sociale. Sans assistance au long cours, les déficits adaptatifs limitent le fonctionnement dans un ou plusieurs champs d’activité de la vie quotidienne comme la communication, la participation sociale, l’indépendance, dans des environnements variés tels que la maison, l’école, le travail, la collectivité.
C. Début du déficit intellectuel et adaptatif pendant la période du développement.

En résumé, le diagnostic de la DI repose sur trois critères : a) un fonctionnement intellectuel déficitaire (habituellement autour des 2% les plus faibles de la population), b) un déficit des comportements adaptatifs, c’est-à-dire de la capacité à fonctionner de façon autonome dans différents domaines d’activité de la vie de tous les jours et, c) la DI doit être présente durant la période de développement. 

Taux de prévalence et étiologie de la DI

Il y aurait environ 1-2% des personnes qui présentent une déficience intellectuelle dans la population. Les hommes sont deux fois plus touchés que les femmes et la DI est plus fréquente dans les milieux défavorisés. La DI peut avoir de très nombreuses causes:

  • Les syndromes chromosomiques (X fragile, trisomie 21, syndrome de Turner, syndrome de Klinefelter, phénylcétonurie, syndrome de Lesch-Nyhan);
  • Les syndromes génétiques (syndrome de Prader-Willi, syndrome de Williams, syndrome d’Angelman);
  • Facteurs de risque prénataux incluant la malnutrition, l’insuffisance placentaire, l’exposition du fœtus à des tératogènes (alcool, drogues, toxines), certaines maladies (hypothyroïdie) de la mère ou des infections périnatales (toxoplasmoses, syphilis, herpès, rubéole, cytomégalovirus, etc.);
  • Incidents périnataux (ischémie, hypoxie à la naissance, grande prématurité, etc.);
  • Dans de plus rares cas, la DI peut être « acquise », c’est-à-dire être la résultante d’une lésion/pathologie cérébrale postnatale (traumatisme craniocérébral grave, noyade, intoxication au plomb/mercure, tumeur cérébrale, épilepsie dégénérative, méningite, négligence extrême et chronique en bas âge, etc.). 

La cause n’est pas clairement connue dans environ 50% des cas. La majorité des enfants ayant une DI ont une DI légère (DIL, 85%), 10% ont une DI modérée (DIM) et 5% ont une DI sévère1 ou profonde (DIS-DIP). Plus la sévérité de la DI est importante, plus grandes sont les chances que la cause soit identifiable. Les causes connues les plus fréquentes de DI seraient le syndrome du X fragile, le syndrome de Downs et la consommation d’alcool durant la grossesse. 

Les enfants ayant une DIS-DIP sont habituellement identifiés durant les premières années de vie en raison de syndromes génétiques associés. Les enfants ayant une DIM sont habituellement identifiés durant la période préscolaire (avant l’âge de 5 ans). Ces niveaux de sévérité de DI sont plus facilement repérables (retards de développement facilement observables en bas âge) et sont plus souvent associés à des causes identifiables (p. ex., syndrome génétique ou encéphalopathie).

La DIL est souvent diagnostiquée plus tardivement, souvent à l’âge scolaire, lorsque les difficultés d’apprentissage de l’enfant deviennent évidentes, et parfois même seulement à l’adolescence pour certains enfants qui, malheureusement, passent au travers  les « mailles du filet » du système d’éducation et de la santé et des services sociaux. Ce texte porte principalement sur la DIL, puisqu’il s’agit de la majorité des cas (85%) et que ce sont ces cas qui sont habituellement évalués par les neuropsychologues.

Qu’en est-il du « retard global de développement »?

Les enfants ayant une DI ont habituellement manifesté en bas âge des retards de développement, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas atteint certains jalons développementaux (p. ex., prononcer ses premiers mots, faire des phrases, empiler des cubes, acquérir la propreté, copier des formes, utiliser des ciseaux, etc.) au même âge que les autres enfants. Avant l’âge de 6 ans, il arrive souvent que l’enfant reçoive un diagnostic de « retard global de développement », qui fait état de retards dans différentes sphères de fonctionnement. Plusieurs enfants qui ont reçu un diagnostic de retard global de développement recevront plus tard un diagnostic de DI. La raison d’utiliser le diagnostic de « retard global de développement » avant l’âge de 6 ans est qu’il est bien démontré que les capacités intellectuelles peuvent fluctuer dans une plus grande mesure durant cette période de développement et que certains enfants ayant un tel « retard global de développement » rattrapent leur retard. 

Le rôle du neuropsychologue

Lorsque l’on suspecte qu’un enfant pourrait présenter une DI, il est important de faire appel à un(e) psychologue ou un(e) neuropsychologue, puisque le diagnostic de DI nécessite l’administration d’une batterie de tests de fonctionnement intellectuel et que ce sont les professionnels qui possèdent l’expertise pour procéder à la passation et à l’interprétation de ce type de tests. Les psychologues peuvent très bien diagnostiquer la DI, par contre les neuropsychologues peuvent s’avérer le clinicien de choix, particulièrement lorsque plusieurs autres troubles neurodéveloppementaux sont aussi suspectés. Les neuropsychologues investigueront les différentes capacités cognitives/neuropsychologiques afin d’établir s’il y a ou non présence d’une DI. En d’autres mots, le rôle des neuropsychologues est de faire un diagnostic différentiel plus juste, à partir des résultats obtenus aux tests, de leurs observations cliniques, mais aussi des informations recueillies auprès des parents et de l’enseignante de l’enfant. Par exemple, un élève qui a parlé plus tard, qui a des retards d’apprentissage et qui manque d’autonomie pourrait présenter une déficience intellectuelle légère. Néanmoins, un enfant qui présente des caractéristiques similaires pourrait aussi être d’intelligence moyenne, mais avoir un trouble développemental du langage et un TDAH. Après avoir conclu à une DIL chez un enfant, les neuropsychologues examineront la présence possible d’autres déficits ou troubles associés (TDAH, trouble développemental du langage, trouble du spectre de l’autisme (TSA), etc.).

Le diagnostic de DI s’établit, entre autres, en déterminant le niveau de fonctionnement intellectuel de l’enfant (à l’aide d’une batterie de tests d’intelligence, mesurant, entre autres, le fameux « QI ») et son niveau d’autonomie dans différents domaines d’activité de la vie de tous les jours (apprentissage, communication, tâches domestiques, soins personnels, aptitudes sociales, etc.), habituellement documenté à l’aide de questionnaires standardisés ou d’entrevues auprès du parent (ou autre figure de soins) et de l’enseignante. Il est aussi essentiel que l’enfant bénéficie d’un suivi médical afin d’investiguer et/ou traiter toutes causes médicales pouvant être en lien avec la DI. Il arrive ainsi fréquemment qu’un enfant avec une DI bénéficie d’examens dans différentes spécialités médicales (examen neurologique, métabolique, génétique, etc.) ou d’autres professions (orthophonie, ergothérapie, physiothérapie, etc.). 

Les neuropsychologues, en complémentarité avec les autres professionnels impliqués, guideront les parents dans leur compréhension des difficultés de leur enfant, afin que des mesures soient mises en place pour soutenir ses apprentissages scolaires et ses activités quotidiennes. Il fournira des pistes d’intervention à appliquer à la maison ainsi qu’à l’école en considérant le profil cognitif global de l’enfant, entre autres s’il y a d’autres troubles/diagnostics en comorbidité (TDAH, dyslexie, etc.). Ils orienteront les parents vers les services appropriés. Il n’y a pas de remède ou de traitement à la DI, mais il y a beaucoup à faire pour aider la personne ayant une DI à être la plus autonome possible à l’école, dans son milieu de travail et dans sa vie personnelle, à vivre des réussites et à contribuer à la société.

Profil neuropsychologique

Bien que la DI soit associée à un profil de capacités neuropsychologiques globalement faibles plus particulièrement au niveau des capacités intellectuelles, du raisonnement, du jugement, de la résolution de problème, de la planification, du langage. Les enfants ayant une DI ont habituellement aussi certaines forces personnelles, c’est-à-dire certaines capacités neuropsychologiques se rapprochant de la moyenne (p.ex., moyenne faible), concernant certaines capacités comme la mémoire à long terme/apprentissage par répétition, l’attention soutenue, la vitesse de traitement de l’information (tâches simples), la perception visuelle et la motricité. Ils peuvent également avoir des forces personnelles dans d’autres domaines (p. ex., social, artistique, sportif, etc.). L’identification des forces de l’enfant est d’ailleurs l’une des valeurs ajoutées de l’évaluation neuropsychologique qui permet de mieux guider le fonctionnement et les interventions par des recommandations en fonction des forces identifiées.

Lorsque la DI est associée à un syndrome génétique, le profil neuropsychologique peut aussi être influencé par le syndrome en question. Par exemple, les enfants ayant un syndrome de Down (trisomie 21) ont tendance à avoir des capacités verbales mieux préservées que les enfants ayant un syndrome de Williams, alors que ces derniers ont souvent de meilleures capacités visuospatiales que les enfants ayant un syndrome de Down. 

Troubles associés

Les enfants ayant une DI sont trois fois plus à risque de présenter un autre trouble/diagnostic psychiatrique comparés aux enfants ayant un développement typique. Les autres troubles les plus souvent associés à la DI sont le trouble oppositionnel, le TDAH, les troubles anxieux, le TSA, les troubles psychotiques et les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF). Il est ainsi important de dépister et d’évaluer ces troubles concomitants et d’ajuster l’intervention au profil spécifique de la personne ayant une DI. Environ 20% des enfants (et la majorité des adultes) ayant une DI prennent une médication pour un problème de santé physique ou mentale associé et ce pourcentage augmente avec la sévérité de la DI. Les personnes ayant une DI sont aussi plus à risque de présenter des conditions médicales comme un déficit auditif/visuel/moteur, de l’épilepsie, des  malformations cardiaques ou gastro-intestinales, des problèmes immunitaires ou endocrinien, qui peuvent être en lien avec la condition génétique associée à la DI. Ils sont aussi plus à risque de présenter divers ennuis de santé plus globalement tels que l’obésité, les problèmes de sommeil, les pneumonies et les problèmes de digestion. Ces personnes ont donc besoin de soins et de services, mais malheureusement, l’offre de service n’est souvent pas à la hauteur de leurs besoins, même dans les pays les plus développés comme le Canada.

Les services

Depuis le mouvement de la désinstitutionnalisation (1950-1980) et de la normalisation, les personnes ayant une DI vivent majoritairement dans la communauté et reçoivent des services dans la communauté. Les services tendent à s’organiser selon les principes d’autodétermination et d’inclusion. Voici un résumé des services offerts par le régime public au Québec. 

CLSC : Stimulation précoce

Le Programme de Stimulation précoce s’adresse aux enfants de 5 ans ou moins qui ne fréquentent pas la maternelle et qui présentent des retards de développement, des indices de troubles du développement du langage (TDL) ou des indices de trouble du spectre de l’autisme (TSA). Les services offerts comprennent le dépistage, des ateliers pour les parents, des évaluations en orthophonie, ergothérapie et psychoéducation, ainsi que des groupes parents-enfants.

CLSC : Programme-Services DI-TSA-DP

Lorsque les parents reçoivent un diagnostic de DI pour leur enfant, ils peuvent s’adresser à l’accueil psychosocial de leur CLSC afin d’y recevoir de l’aide. Au moment de présenter une demande de services, les parents devront soumettre tout rapport confirmant le diagnostic de DI ou de retard global de développement (0-6 ans). Une fois la demande traitée, les parents seront orientés vers les services appropriés du Programme DI-TSA-DP. Ces services permettent de soutenir l’enfant lui-même en intervenant directement auprès de lui, ou encore, d’aider la famille immédiate et l’entourage. Les parents pourraient ainsi recevoir, par exemple, des conseils pour mieux intervenir auprès de leur enfant, mais aussi être accompagnés pour savoir comment demander du soutien financier et bénéficier des crédits d’impôt pour enfants handicapés. 

Les parents d’enfants avec une DI devenus adultes pourraient également faire appel aux intervenants du CLSC pour savoir comment entreprendre les démarches légales visant à mettre en place un régime de protection approprié. Actuellement, il existe trois types de régimes de protection : le conseiller au majeur, la curatelle et la tutelle. À compter juin 2022, ceux-ci seront remplacés par une mesure d’assistant au majeur ou une tutelle laquelle sera modulable selon six domaines en fonction des capacités de la personne inapte. L’identification des forces lors d’une évaluation en neuropsychologie permettra de mieux guider cette modulation. Une régime de protection est toujours établi dans l’intérêt de la personne et adapté en fonction de son degré d’autonomie. Ils ont pour but d’assurer la protection de la personne jugée inapte à administrer ses biens et exercer ses droits et prendre des décisions.

Centres de réadaptation (CRDITSA)

Au besoin, l’enfant et ses parents pourraient être référés par le CLSC vers un centre de réadaptation, afin d’y recevoir des services spécialisés. Présents dans chacune des régions du Québec (sauf la région du Nord-du-Québec), les centres de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles du spectre de l’autisme (CRDITSA) ont pour mission d’aider les personnes présentant une DI ou un TSA à développer leur potentiel de façon optimale, à mieux s’intégrer sur le plan social, ainsi qu’à améliorer leur qualité de vie. Ces services spécialisés d’adaptation et de réadaptation varient en fonction des besoins et de l’âge de la personne (enfants, adolescents, adultes, aînés).

  • Une famille peut recevoir l’aide d’un éducateur spécialisé, dont le travail vise à faciliter l’acquisition des habiletés reliées aux activités de la vie quotidienne, aux loisirs et à la socialisation. L’éducateur spécialisé apporte une aide individuelle pour faciliter l’intégration de la personne avec une DIL dans sa communauté (ex : loisirs, travail adapté), en plus de soutenir les proches.
  • Une équipe de professionnels (p. ex. ergothérapeutes, orthophonistes, psychologues, physiothérapeutes et travailleurs sociaux) peut également apporter son soutien aux éducateurs et aux parents. Ces professionnels peuvent valider les orientations, procéder à des évaluations spécialisées et émettre des recommandations.
  • Il existe des services de répit spécialisé, qui offrent un milieu de vie substitut temporaire, intégré dans une ressource d’hébergement.
  • Le programme de réadaptation privilégie qu’une personne ayant une déficience intellectuelle demeure dans son milieu naturel. Néanmoins, dans certaines situations, il devient nécessaire de procéder à un placement dans une ressource d’hébergement (Ressource de type familial 0-17 ans, Ressource intermédiaire, Ressource intermédiaire spécialisée ou Résidence à assistance continue).
  • Pour la clientèle avec une DI âgée de 21 ans et plus, le Programme de réadaptation permet de faciliter l’intégration au marché du travail, ou dans des activités de loisirs adaptés.

La scolarisation des enfants et des adolescents avec une DI

Le plan d’action du gouvernement québécois en matière d’adaptation scolaire vise à aider les élèves présentant un handicap ou qui sont en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA). L’école, qui a pour mandat d’instruire, de socialiser et de qualifier, doit donc s’adapter à tous les élèves, incluant ceux qui ont un DI. Pour les élèves du préscolaire qui présentent un retard global de développement, il existe des classes permettant à ces enfants de consolider certains acquis et d’être mieux préparés à débuter les apprentissages du premier cycle primaire. Ces classes peuvent porter différents noms, en fonction du Centre de service scolaire (p. ex. classe de stimulation précoce, classe de développement).

La plupart des élèves du primaire avec une DIL sont intégrés en classe ordinaire et reçoivent un enseignement adapté et encadré par un plan d’intervention. Cette intégration est privilégiée à une orientation en classe spécialisée, si l’étude des besoins parvient à démontrer que celle-ci aura pour effet de faciliter les apprentissages et l’intégration sociale de l’élève avec une DIL, sans porter atteinte aux apprentissages et à l’intégration sociale des autres élèves. En revanche, si l’étude des besoins arrive à la conclusion que la classe ordinaire ne répond pas aux besoins de l’élève et à ses capacités, ce dernier pourrait être orienté dans une classe spécialisée ou encore dans une école spécialisée. C’est souvent le cas pour les élèves avec une DI modérée, sévère ou profonde, ou encore pour ceux qui présentent des troubles associés  (p. ex. DI et TSA ou DI et handicap physique ou DI et trouble grave du comportement).

Au moment du passage vers le secondaire, la plupart des élèves avec une DIL vont accuser des d’importants retards d’apprentissage. Différentes options s’offrent alors à eux, en fonction de leurs acquis et de leurs besoins, afin de leur permettre de consolider leurs acquis du primaire. Certains seront orientés dans des classes pour les élèves avec des difficultés graves d’apprentissage (DGA), d’autres en Cheminement particulier de formation (CPF), alors que d’autres, enfin, intégreront des classes spécialisées pour les élèves avec une DIL. À l’âge de 15 ans (au 30 septembre), le jeune qui n’aura pas complété son premier cycle du secondaire se verra proposer un programme de formation visant l’apprentissage d’un métier semi-spécialisé (FMS : pour les jeunes qui sont au niveau du premier cycle secondaire dans les matières de base) ou encore une Formation préparatoire au travail (FPT : pour les jeunes qui sont en voie d’acquisition des compétences du primaire en français et en mathématique).  Les élèves en classes FPT ou FMS, pour qui la diplomation dans le cadre de la formation régulière des jeunes apparaît peu probable, continuent leur apprentissage des matières de base, tout en étant préparés à exercer un métier, par l’entremise de stages à l’école ou en entreprise, pendant une période de 3 ans.

TEVA

Récemment, le gouvernement du Québec a mis en place le programme de Transition de l’École à la Vie Active (TEVA). Le programme s’adresse aux adolescents qui fréquentent une école secondaire et qui présentent une DI, un TSA ou encore un problème de santé mentale important. Ces jeunes doivent présenter, au-delà du diagnostic proprement dit, une incapacité significative et persistante ou encore d’importantes difficultés d’adaptation et d’apprentissage qui pourraient compromettre leur autonomie une fois avoir atteint l’âge adulte. Le programme TEVA réunit différents partenaires, dont le but est de travailler de façon concertée à l’élaboration et à l’actualisation d’un projet de vie pour le jeune. Ce programme vise à favoriser le passage de la vie scolaire à la vie active de jeune adulte, afin d’éviter les ruptures de services qui sont fréquentes au moment de cette transition. Les partenaires impliqués souhaitent donc offrir au jeune et à sa famille des services de qualité et dans la continuité, en fonction de ses besoins, mais aussi en fonction de ses aspirations, de ses champs d’intérêt et de son projet de vie. Dans une démarche TEVA, le jeune et ses parents prennent part activement à l’élaboration d’un plan d’intervention, avec le soutien du milieu scolaire et de la santé (p. ex. CLSC ou CRDI, médecin de famille) et l’apport de tout autre partenaire indispensable tels que  le transport adapté ou le service spécialisé d’intégration à l’emploi pour les personnes handicapées comme les Services externes de main-d’œuvre (SEMO).

Voici l’exemple d’un jeune pour qui la démarche TEVA s’est imposée comme étant celle qui permettrait le mieux d’assurer pour lui une plus grande autonomie, mais aussi sa place dans la société. Michael a 18 ans et il a une DIL. C’est un passionné de voitures et son rêve serait de devenir mécanicien. Malheureusement, comme plusieurs jeunes avec une DI, Michael rencontre des obstacles au quotidien qui compliquent la réalisation de son rêve. Tout d’abord, l’accès au Diplôme d’études professionnelles en mécanique est difficile, puisque depuis plusieurs années, il peine à réussir ses cours de secondaire 1 et 2 dans un programme FMS, alors qu’il doit réussir un secondaire 4 pour entrer au DEP en mécanique automobile. Michael est fatigué de l’école et il a plutôt envie de se trouver du travail. Mais ce n’est pas si facile, même si le stage qu’il vient de terminer dans un garage s’est avéré très positif. Même s’il est très satisfait du travail de son jeune apprenti, le patron du garage n’est pas prêt à l’engager. Le directeur de l’école que fréquente Michael lui propose alors de participer à une démarche TEVA. Même s’il ne peut pas devenir mécanicien, Michael doit pouvoir prendre sa place dans la société, et idéalement dans un garage puisque les voitures le passionnent depuis toujours. En collaboration avec Michael et ses parents, ainsi qu’avec l’équipe du CLSC et celle du SEMO, le directeur et la psychologue scolaire élaborent un plan d’intervention, afin de permettre au jeune de réaliser son rêve. Il faut penser à trouver un garage prêt à engager Michael, mais aussi s’assurer qu’il s’agit d’un milieu de travail adapté à ses besoins. Il faut également régler le problème du transport, parce que Michael n’a pas son permis de conduire et qu’il est trop anxieux pour prendre le transport en commun. Son père est prêt à aller le conduire et le rechercher à la fin de sa journée, mais tous les partenaires souhaitent plutôt trouver une solution alternative qui permettrait à Michael d’être plus autonome dans ses déplacements. Grâce à la démarche TEVA, les différents intervenants souhaitent que le jeune puisse réaliser son rêve de travailler dans un garage, qu’il gagne en autonomie et qu’il soit valorisé par un travail qu’il adore.

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1Le terme DI grave (DSM-5) est aussi maintenant utilisé comme équivalent de la catégorie DI sévère.