Accueil – Visiteurs › Forums › Discussions en lien avec la profession › Loi 28 (PL21) › Aptitude à gérer ses biens › Répondre à: Aptitude à gérer ses biens
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C’est une question très pertinente et qui revient constamment, incluant dans mon milieu de travail. Dès mon retour de congé de maternité, je vais participer à des discussions à ce sujet qui touche à la fois l’utilisation de l’ÉMAF et l’évaluation de l’aptitude. Ce sont effectivement deux aspects distincts, mais interreliés. Je vais également appeler notre ordre professionnel, ainsi que le bureau du Curateur public. Mais en attendant, j’ai quelques pistes de réponses à suggérer.
D’abord, comme l’a dit Caroline, il est important de distinguer l’évaluation des activités financières quotidiennes de l’évaluation de l’aptitude à administrer ses biens. Le premier concept renvoie à une évaluation des activités de tous les jours, comme faire un chèque, payer ses comptes, faire un budget, faire des achats… cette activité d’évaluation est celle dont parle ta patronne et elle peut se faire à l’aide de l’ÉMAF, mais également par d’autres moyens que connaissent les ergothérapeutes, c’est leur champ de pratique.
L’aptitude à administrer ses biens est un concept clinique et juridique beaucoup plus large. Cette évaluation se fait en interdisciplinarité. Minimalement, il faut un travailleur social et un médecin. Il s’agit ici d’activités qui leur sont réservées. Donc, déjà ici, on constate qu’il ne s’agit clairement pas d’une évaluation réservée aux ergothérapeutes. Il y a deux facettes majeures à évaluer ou à apprécier : l’aptitude ou les capacités, et le besoin de protection. Laissons le besoin de protection aux TS. Pour ce qui est de l’aptitude, le médecin et le travailleur social doivent se prononcer dans leur rapport. Cette appréciation par le médecin passe généralement d’abord par un diagnostic montrant l’existence d’atteintes cognitives (démence, déficience, TCC, AVC, etc.) qui sont suffisamment sévères pour engendrer des incapacités. Pour le TS, le chemin est différent : il observe des comportements, l’environnement, fait des entrevues afin d’apprécier les incapacités dans le quotidien. Ensemble, ils peuvent conclure à une inaptitude. Quand la situation n’est pas évidente, l’ergo ou le neuropsychologue peuvent être interpelés.
Pour ce qui est de ce qu’on doit évaluer ou apprécier pour cerner l’aptitude d’une personne, la loi ne le précise pas, on reste délibérément vague laissant les intervenants et les chercheurs définir ces dimensions. L’ordre des TS suggère une liste non exhaustive de ce que cette aptitude comporte :
- Effectuer des opérations mathématiques
- Traiter son courrier
- Payer ses comptes dans les délais requis
- Planifier un budget
- Renouveler des prêts ou des placements
- Percevoir des allocations
- Effectuer des dépenses raisonnables en fonction des capacités financières
- Respecter ses engagements financiers
- Soumettre ses déclarations fiscales dans le délai requis par la loi
Dans les écrits scientifiques, on relève généralement deux grandes facettes :
- La prise de décision et le jugement
- Les activités financières quotidiennes
Même s’il est vrai de dire que la prise de décision et le jugement sont centraux et à l’avant-plan de l’évaluation de l’aptitude, il est faux de dire que l’ÉMAF et les activités financières quotidiennes (AFQ) n’ont aucun lien avec l’évaluation de l’aptitude à administrer ses biens. Le neuropsychologue, tout comme le TS, peuvent donc, à mon avis, se servir de l’ÉMAF pour « apprécier » les activités financières quotidiennes dans le but d’évaluer l’aptitude plus globalement. Le neuropsychologue est le mieux placé pour répondre à la question de l’aptitude d’une personne, puisqu’il est le mieux placé pour évaluer la délicate question du jugement et de la prise de décision, qu’il peut apprécier les AFQ (à l’aide de l’ÉMAF ou autre) et finalement, tisser le lien avec les déficits cognitifs de la personne et le diagnostic médical. Notons que sans ce dernier aspect, dans certains cas, on ne peut être complètement certain que les problèmes fonctionnels observés au quotidien et le jugement douteux sont de source cognitive (trouble de personnalité, personnalité marginale ou autre peuvent expliquer les problèmes). Le travail de l’ergo peut venir compléter lorsqu’on a des raisons de croire qu’une appréciation des AFQ n’est pas suffisante, lorsqu’on veut savoir en profondeur comment fonctionne un individu. Dans certains cas Dr Vu ou moi, on a demandé l’avis d’un ergo et ça nous a été très utile. Je vais poursuivre ma réflexion et des discussions à ce sujet et vous reviendrai certainement…