Accueil – Visiteurs Forums Évaluation adulte et gériatrie Discussion de cas – Adulte et gériatrie Syndrome dysexécutif important = interventions difficiles!

  • Syndrome dysexécutif important = interventions difficiles!

    Posted by Anonyme on 16 janvier 2014 à 20 h 50 min

    Bonjour à tous,

     

    Je me lance, je vous soumets ma première discussion de cas “virtuelle”. Je vais tenter d’être bref, voire télégraphique, mais aussi le plus complet à la fois.

     

    Il s’agit d’un homme d’une 50aine d’années, célibataire et sans enfant, que j’ai évalué à l’hiver 2011, en raison de problèmes de comportement et d’organisation et parce que son frère ne voulait plus l’héberger. Dans le dossier, on décrivait toutes sortes de problématiques qui démontraient une absence d’autonomie: hygiène qui laissait à désirer (ex. son frère avait déjà été obligé de nettoyer des selles sur les tapis et murs de la salle de bain), récupération d’objets salles provenant des poubelles (nourriture, journaux), incapacité à se nourrir adéquatement, combinaisons alimentaires bizarres, chambre encombrée, cycle éveil-sommeil perturbé. Bref, on commence à se faire une idée du type d’atteintes.

     

    Développement/psychosocial: accouchement difficile, aucune autre info. de dispo. Selon son frère: isolé durant toute son enfance et son adolescence, ne mangeait que très rarement avec sa famille. Jusqu’à tout récemment, monsieur est toujours demeuré avec ses parents. Ceux-ci s’occupaient généralement de toutes les activités quotidiennes et domestiques. Monsieur est allé vivre avec son frère suite aux décès des parents, il y a environ 10 ans. Réseau social pratiquement inexistant.

     

    Scolarité/travail: Dernière année complétée de niveau collégial (techniques administratives), mais aucun programme terminé. Très peu d’expériences professionnelles: une expérience de stage dans les années 80 (collecte de données dans un journal) et quelques stages brefs au début 90. Aucune source de revenu.

    Atcds: neurologie en 85: atrophie cérébrale diffuse et atrophie vermienne plus marquée (scan CT). EEG normal. On concluait que ça pouvait expliquer le bégaiement et les tics. Psychologie en 81: QI dans la moyenne, avec “troubles de la personnalité assez importants” (faible sociabilité, difficulté d’adaptation aux situations nouvelles, antipathique et manque de tact. Orthophonie en 73 et 85: bégaiement sévère et faible assiduité aux traitements. ** à noter que M. n’a pas de MD et que le dernier r-vous médical date de nombreuses années, voire une dizaine d’années.

     

    Médic./substances: rien de ce côté.

     

    En entrevue, on a affaire à un homme chétif, maladroit, d’apparence très négligée, qui bégaie énormément, qui fait beaucoup plus vieux que son âge. De bonne humeur et collaborant. Curieux, sociable. Problème très important de persévérations sur les pensées, questions, comportements. On doit le ramener à la tâche à chaque 5 secondes. Une anxiété est palpable surtout en lien avec les interactions sociales. M. dit vouloir vivre en milieu rural, parce que les gens sont moins méchants.

    Résumé du côté psychométrique: QI limite (CV et MDT = moyenne) (VIT = déficitaire; RP = limite). Attention divisée déficitaire, voire impossible. Mémoire: beaucoup d’intrusions au premier rappel en verbal. Je dois arrêter la tâche parce que c’est impossible à réaliser. Sur le plan visuel, la récupération nécessite des indices, mais l’encodage et la consol. sont préservés. Mém. autobio. ça va. Langage: écholalie aux réponses de type oui/non. Le reste est préservé. Calcul: haute-moyenne à Arithmétique si on fait abstraction du temps (!). Fx visuo-perceptives préservées, mais des erreurs notées aux fx visuo-constructives sont tributaires des fx exécutives. Fx exécutives: sans tout décrire, presque toutes les sphères sont affectées de façon importante, mis à part la régulation des affects, et consistent en la principale faiblesse de M.

     

    Conclusion: syndrome dysexécutif (d’origine développementale fort probable), puisque plusieurs des atteintes/comportements affichés sont présents depuis l’enfance/adolescence. Le frère a noté une légère exacerbation depuis les 10 dernières années. Ce volet est difficile à quantifier parce que les parents sont justement décédés il y a une dizaine d’années et s’occupaient grandement du fils. Je recommande un hébergement avec une surveillance quotidienne si possible, de même qu’un encadrement important + utilisation d’indices externes, etc. Je crois avoir omis de l’écrire en conclusion du rapport, mais une anosognosie était également évidente.

    Suite à l’évaluation, le diagnostic neuropsychologique a permis à monsieur d’être hébergé dans une ressource de type familial. Depuis le début de cet hébergement, plusieurs problèmes ont du être surmontés et travaillés avec la proprio, conjointement avec le psychoéd. au dossier: hygiène dans la demeure, heures des repas, heures d’entrée et de sortie, menaces d’agressivité, querelles avec les autres usagers, etc. Quelques accommodements et ententes ont été accomplis, mais les problèmes rebondissent 6-7 mois plus tard.

    Ma question: 1) existe-t-il d’autres services, plus adaptés à la situation de ce client, même si on n’a toujours pas de d(x) médical et qu’il n’y a aucun MD au dossier? C’est certain que dans un monde parfait, cette personne pourrait bénéficier d’un(e) intervenant(e) ou d’un éducateur quotidiennement, pour l’aider à moduler certains comportements, faire de petits apprentissages, etc., mais pour le moment, la tâche réside dans les mains de la proprio., qui doit gérer la résidence, et dans les mains du psychoéd., qui ne peut offrir qu’une heure de rencontre par semaine ou au besoin, et dont les compétences sont plutôt moyennes selon les collègues qui le côtoient. Ou au contraire, est-ce qu’on se retrouverait avec le même problème même si M. bénéficiait d’un suivi médical?

    En vous remerciant pour votre participation à mon initiation de discussion de cas!

    Anonyme répondu Il y a 9 années, 8 mois 3 Membres · 7 Réponses
  • 7 Réponses
  • Vincent Moreau

    Membre
    17 janvier 2014 à 13 h 54 min

    Beau cas en effet. Concernant la question, je me demande si nous avions intérêt à préciser le diagnostic. Je trouve que ça sonne drôlement comme un trouble du spectre de l’autisme (TSA), type Asperger (même si ça n’existe plus officiellement…). On retrouve comme tu le mentionnes un aspect développemental, des particularités langagières, des tics, une préservation des habiletés verbales et des atteintes exécutives. Je trouve particulièrement éloquent ce passage: “”troubles de la personnalité assez importants” (faible sociabilité, difficulté d’adaptation aux situations nouvelles, antipathique et manque de tact””. Une personne souffrant d’autisme à l’âge adulte peut facilement sembler présenter un trouble de personnalité (voir cet article où on raconte le traitement d’un trouble de personnalité schizoïde qui me semble davantage correspondre à un TSA). Ceci dit, en terme de prise en charge, peut-être qu’un diagnostic d’autisme donnerait accès à des ressources en CRDI-TED.

  • Anonyme

    Invité
    17 janvier 2014 à 14 h 50 min

    En effet, à la lecture de ce que j’ai écrit ça peut faire penser à un TSA, mais peut-être que c’est une influence de mon résumé, qui ne comprend pas toutes les informations. En le voyant, on se rend compte rapidement qu’il y a quelque chose de neurologique: démarche particulière, signes de parésie surtout dans les membres supérieurs. D’ailleurs j’ai fait remplir au frère le questionnaire FBI (frontal behavior inventory), pour lequel le patient cote amplement, et il répond à tous les critères de la DFT (Rascovsky et al., 2011), sauf que selon son histoire, le bris de fonctionnement plus prononcé aurait débuté vers les 25-30 ans, pour se maintenir jusqu’à aujourd’hui. Et même avant 30 ans, plusieurs signes dysexécutifs (incluant le jugement social) étaient déjà présents. Ça me fait plutôt penser à un tr. neurologique d’ordre dégénératif avec S(x) moteurs, comportementaux et exécutifs, et qui commence très jeune et qui évolue lentement (ex. un type d’ataxie), mais je ne voulais pas franchir cette limite dans mon rapport, et ça va au-delà de mes connaissances et mandats.

  • Claudine Boulet

    Membre
    17 janvier 2014 à 15 h 03 min

    Je suis d’accord avec l’hypothèse de Vincent et je crois que ça vaudrait la peine d’explorer de ce côté.

     

    Sinon, pour les troubles dysexécutifs, je crois beaucoup en la mise en place de routines quotidiennes surtout si on peut associer le tout à un objectif ou à un but. Il y a toute une littérature là-dessus qui date mais je n’ai rien trouvé de plus récents et d’aussi intéressants côté résultats. Au départ, ça s’adresse au TCC mais je sais qu’il y a un CHSLD à Montréal qui applique cette théorie à toutes sortes de clientèles avec de bons résultats. Le livre “Collaborative brain injury intervention: positive everyday routines. Par Ylvisaker & Feeney, 1998” résume bien toute cette théorie.

     

    En gros, cette théorie propose de redonner à la personne le contrôle de sa propre vie. La première étape est d’identifer avec la personne quel est son but dans la vie. Même si le but apparaît complètement irréaliste, on n’essaie pas de décourager la personne mais on reste positif. “OK, si c’est ça que tu veux, pour y arriver, il faudrait que…” On identifie ainsi quelles sont les étapes à accomplir pour y arriver. On se sert ensuite de ce but comme d’un motivateur pour encourager la personne à collaborer à la mise en place de routines quotidiennes. Et là, on entraîne la personne à suivre une même routine à tous les jours où chaque étape de la routine devient un indice pour la prochaine action. La personne peut donc devenir beaucoup plus autonome.

     

    L’idéal pour cette théorie est d’avoir toute une équipe qui entoure la personne et qui travaille dans le même sens pour mettre les routines en place. Mais, je crois qu’un psychoéducateur peut tout de même mettre en place des routines simples pour régler des problèmes au quotidien surtout s’il y a quelqu’un (la proprio) qui est présent au quotidien pour réajuster au fur et à mesure.

     

    Par contre, je ne connais pas bien les TSA et je n’aurais aucune idée du mode d’intervention avec ce type de clientèle. Alors, comme je le disais au départ, je crois que ça vaut la peine de préciser le diagnostic pour être mieux en mesure d’intervenir…

  • Vincent Moreau

    Membre
    17 janvier 2014 à 18 h 13 min

    Je persiste. La démarche particulière est souvent présente dans les TSA, du moins chez les jeunes. Idem pour des particularités motrices. Même si ça a semblé pire à 25-30 ans, tu écris qu’il était “isolé durant toute son enfance et son adolescence” et il a toujours vécu chez ses parents. L’atteinte du jugement social est très caractéristique. Un trouble neurodégénératif qui commencerait à 25-30 ans, je ne suis pas sûr. Avait-il des intérêts particuliers/restreints? Des routines rigides? Attachement à des objets? Bref, ce n’est que mon avis basé sur ce que tu as présenté.

  • Anonyme

    Invité
    17 janvier 2014 à 22 h 32 min

    Merci de persister Vincent, parce que je viens de tomber sur quelques lectures qui relatent plusieurs similitudes entre les ataxies cérébelleuses (dans son cas, celles qui sont appelées early onset) (mon hypothèse initiale) et le spectre autistique.

    -Effectivement, au niveau des interactions sociales, il coterait amplement, tant pour l’enfance que pour l’âge adulte.

    Pour l’altération du langage, aucun retard n’a été noté (du moins par le frère), et la première consultation en orthophonie a été faite à 17 ans, spécifiquement en lien avec le bégaiement, qui empêchait M. de bien communiquer dans ses interactions sociales. Donc de ce côté on pencherait pour Asperger, dépendament si on y va avec les critères DSM-IV ou V.

    -Pour les comportements/intérêts/activités marqués, répétés, stéréotypés, il montre clairement un problème d’accumulation, et tend à s’attacher à ses ‘cochonneries’. Je n’avais pas noté de maniérismes, de rituels, ou d’intérêts spécifiques. Mais je pourrais peut-être toujours requestionner le frère.

    Donc effectivement dans un sens l’hypothèse d’un TSA me paraît de plus en plus possible. Et j’ai relu mes résultats d’éval. et c’es vrai que ça fait pas mal Asperger. D’un autre côté, à un moment de sa vie, il était clairement capable d’aller à l’école, de suivre des cours, et de revenir à la maison. Il a même complété des cours au collégial. Aujourd’hui, il ne serait aucunement capable d’occuper le moindre emploi, ne serait-ce que 5 minutes, en raison de son attention qui est captée par n’importe quel stimulus interne ou externe (pensée, journaux, affiche). Et ce même les emplois qui sont répétitifs et qu’on offre habituellement aux gens qui ont une DI. De toutes les évals que j’ai fait, c’était clairement la plus épuisante, et de loin. Quand je disais que je devais le ramener à la tâche à toutes les 5 secondes, ce n’était pas du tout imagé. Considérant ceci, l’aspect dégénératif demeure toujours possible aussi. D’ailleurs j’ai lu que les ataxies cérébelleuses peuvent être accompagnées d’une démence. Mais l’évolution était quand même difficile à documenter avec le frère.

    Considérant tout ceci, je vois différentes possibilités:

    -TSA uniquement, alors que l’environnement aurait amplement compensé durant l’enfance/début de l’âge adulte, et au décès des parents (mi-quarantaine), le fonctionnement aurait éclaté (mais ce volet-là me paraît un peu intense)
    -TSA + processus dégénératif, donc l’amplification au fil du temps de certains symptômes TSA demeure cohérente
    -Autre pathologie neuro. (si j’avais un oeil de neurologue, j’aurais pu détecter plus facilement, mais ce n’est pas le cas!)

    Si je peux rappeler le contexte: le psychoéd. + la proprio veulent plus de moyens pour intervenir. Si on avait accès au réseau CRDI-TED, ça serait effectivement différent. Par contre, de mon côté je ne considère pas avoir assez d’infos pour être certain que j’ai affaire à un TSA. Il y a peut-être moyen qu’une MD du CLSC voit le patient. Je vais me renseigner pour voir si c’est possible. S’il pouvait au minimum avoir un r-vous avec la MD, et qu’elle considère de son côté qu’une réf. en neuro. est pertinente, on va pouvoir au moins éliminer ce volet. Si on élimine l’aspect neuro., je vais me sentir en meilleure confiance pour ajouter une note ou un rapport en annexe et conclure à un TSA. Même si on voulait qu’il soit référé tout de suite en clinique TSA, le patient n’aurait pas accès à ces services d’éval., donc ça devra relever de moi pour ce volet.

    Je vais poursuivre mes lectures et faire peut-être une mise à jour au courant de la semaine prochaine. Merci!

  • Valérie Drolet

    Membre
    29 janvier 2014 à 2 h 32 min

    Je n’ai pas grand chose à ajouter si ce n’est que pour moi, l’atteinte neuro semble suffisamment documentée, même si c’est seulement par un CT scan de 85. Si on avait affaire à un TSA, je ne suis pas certaine qu’on aurait vu une atrophie diffuse et vermienne… Avec les infos que tu as actuellement, je pense que l’hypothèse du TSA + processus neuro est la plus probable. Je pense que les services offerts vont découler du diagnostic. Ça m’apparaît donc primordial qu’il ait une consultation en neuro…

     

    Question comme ça: aucun symptôme psychotique?

  • Anonyme

    Invité
    29 janvier 2014 à 18 h 58 min

    Non, aucun symptôme psychotique. Parmi mes lectures, j’ai choisi les 3 articles les plus pertinents pour ceux et celles qui auraient affaire à des cas semblables:

    Is autism a disease of the cerebellum? An integration of clinical and pre-clinical research (Rogers et al., 2013): Message à retenir: les atteintes développementales du cervelet sont souvent associées à un d(x) de TSA. Autre info importante et très intéressante: on nous indique qu’à l’IRM, les enfants “autistiques” ont un plus petit volume du vermis du cervelet que les autres enfants qui ont un développement normal (Webb et al,, 2009).

     

    Cognition, emotion and the cerebellum  (Schmahmann, 2009): description sommaire et assez vulgarisée (donc public non-neuropsy) d’un neurologue qui énumère les affectations comportementales, affectives et psychiatriques qu’il retrouve chez des patients qui ont des atteintes au cervelet. Article assez court mais intéressant.

    Disorders of the cerebellum: ataxia, dysmetria of thought, and the cerebellar cognitive affective syndrome (Schmahmann, 2004): description très large des maladies qui affectent le cervelet, et description du Cerebellar cognitive affective syndrome. D’ailleurs Schmahmann semblerait être le nom à retenir pour la neuropsy. du cervelet. Il semble avoir été le premier à donner l’étiquette de Cerebellar cognitive affective syndrome, en 1998.
     

    On en a discuté ce matin en équipe et le plan de match est le suivant:

    1- comme mon éval date de 2 ans, presque 3, je vais faire un nouveau survol afin de voir s’il n’y a pas eu de dégradation. Je vais aussi en profiter pour être plus spécifique dans mes conclusions, i.e. traits vs TSA pendant la période développementale + processus dénénératif, parce qu’il y a carrément eu une perte de fonctionnement, même si la comparaison se fait sur 25 ans.

    2-tenter de convaincre notre psychiatre répondant de l’évaluer et de faire une réf. en neuro. Peut-être difficile à convaincre parce qu’il faut quand même qu’il accepte de donner suite et de prendre en charge jusqu’à un certain point si la neuro. lui revient avec des recommandations. À ce sujet, le psychoéd. va vérifier s’il est inscrit sur le GACO. Il aurait dû vérifier il y a 2-3 ans mais bon…

    2.1-En parallèle, on va vérifier s’il ne pourrait pas être évalué par l’équipe de soutien à domicile pour l’autonomie, parce que l’évaluation résultante va aider pour les démarches d’hébergement.

    3-Dépendament du D(x) médical résultant, on va pouvoir mieux orienter nos démarches.