• Hypothèse de DFT sur tableau complexe

    Posted by Jacinthe Lacombe on 22 septembre 2017 à 15 h 24 min

    Encore un cas complexe….

     

     

    Une dame de 68 ans, référé en gérontopsychiatrie il y a un an par le neurologue suite à une possible décompensation bipolaire (confusion qui l’a menée à l’hôpital : elle était intoxiquée et croyait que sa coloc avait fait une crise cardiaque alors que celle-ci avait quitté l’appartement). La neurologue veut qu’on évalue les troubles de mémoire puisqu’elle est connue de la psychiatrie.

     

     

    En 2016, consommation d’alcool active et dépendance aux benzos depuis au moins 15 ans. Suivi en psychiatrie de longue date pour des diagnostics qui ont varié entre le trouble bipolaire et un trouble schizoaffectif.

     

     

    Arrêt de la consommation d’alcool en juin 2016

     

     

    Éval en ergo : insalubrité 4+ du logement. Ne mange que des conserves et de la crème glacée depuis décembre. Fume ++++ malgré MPOC important. Dettes de plus de 11k $. Très anxieuse. Très apathique, ne fait rien de ses journées (selon le dossier, l’apathie daterait d’au moins 2011). En 2013, disait avoir perdu la capacité de s’organiser dans la maison pour faire son ménage et la cuisine (en 2010, disait avoir perdu l’intérêt pour faire le ménage). Lorsque je la questionne, le insight semble “récent” ; j’ai l’impression qu’elle est assez intelligente pour être capable de dire ce que l’on veut entendre, mais pas de réel insight (dit que le ménage est maintenant beaucoup mieux car des personnes sont venues le faire…selon les dires de l’ergo, le ménage offert à améliorer de même pas 10% la salubrité du logement). Elle semble aussi dire que ses difficultés sont assez récentes alors qu’elle daterait de plusieurs années selon le dossier..

     

     

    Profil neuropsy :

     

    Distraction et pensées circonstancielle. Impulsive. Pensées persévératives. Lecture légèrement ralentie. Difficulté à acquérir de nouvelles séquences motrices et à les faire simultanément. Reproduit des gestes en miroir (plutôt qu’en prenant la MD ou MG, tel que spécifié). Difficulté de récupération en mémoire pour matériel verbal. Empan phono et séquentiel diminué.

    Inhibition cognitive, abstraction et résolution de problèmes, fluence verbale (phono et sémant) diminuées. Déficit à gérer plusieurs demandes en même temps (TMTB).

     

    Ralentie au TMT A (mais le temps est normal aux amibe)–> difficulté dans la recherche visuelle? . Trois cibles omises dans le haut lors du repérage de A.

     

     

    Calculs, écriture, lecture, visuo-perceptuelles, visuo-constructives, praxies, gauche/droite et mémoire visuelle OK.

     

     

    Démarche légèrement penchée vers l’avant, petits signes de micrographie, a parfois les yeux grands ouverts. Incontinence urinaire à valider. Dit manger de la nourriture molle par peur de s’étouffer. Bouge les jambes de manière constante lorsqu’elle est assise (serait dû à l’Haldol peut-être… prend du Kemadrin).

     

     

    Hypothèse : je suspecte fortement une DFT comportementale, qui migre tranquillement vers une PSP surajoutée. Toutefois, l’apathie et la négligence sont présentes depuis plus de 5 ans selon les informations au dossier…on devrait être beaucoup plus évolué dans le tableau, non?! La consommation d’alcool au long cours vient aussi brouillé le tableau.

     

    Et une DTA frontale, pas impossible selon moi mais je me serais attendue à plus d’atteintes d’autres fonctions cognitives..

     

    Scan à venir fin septembre.

     

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    Jacinthe Lacombe répondu Il y a 6 années 5 Membres · 8 Réponses
  • 8 Réponses
  • Véronique Labelle

    Membre
    22 septembre 2017 à 16 h 58 min

    Allô @/index.php?/profile/511-jacinthelacombe/” data-ipshover-target=”https://aqnp.ca/forum/index.php?/profile/511-jacinthelacombe/&do=hovercard” data-mentionid=”511″ rel=””>@jacinthe.lacombe !

     

    Je dois avouer avoir lu rapidement, mais pourrais-tu nous en dire davantage sur son niveau socio-professionnel antérieur?

     

    Aussi, sur le plan psychiatrique (bipolaire vs scz-affectif), es-tu au courant s’il y a eu plusieurs épisodes de rechute au cours de sa vie ? est-elle compliante à la Rx? est-elle réfractaire à la Rx?

     

    Aussi, lorsque tu décris les fcts cognitives, que veux-tu dire par «diminuées» ?

  • Jacinthe Lacombe

    Membre
    22 septembre 2017 à 17 h 36 min

    Diminuées : de manière générale, entre -1.5 et 2 é.t.

    Performances cognitives : -1.5. é.t à la fluence (phono et sémantique). Stroop qui n’est pas clairement déficitaire pour les conditions interférentes mais quand même difficultés d’inhibition qui sont corrigées. Similitudes : SS=4. Labyrinthes : tps à -1.7 é.t, avec difficultés de résolution de problème.

    TMT A : é.t. 2.3

    TMT B : é.t. 5.3

    Empan phono : é.t. -1.3 ; séquentiel : -2.2 (empan inverse : -0.6)

    Tapping conflictuel et go/no go assez bien réussi.

     

    Dame intelligente selon moi mais difficultés à conserver ses emplois. Aurait eu des difficultés scolaires en fin de parcours, a cessé en 12e année. Lisait des livres de philosophie. A fait des cours en dessin commercial. A travaillé chez Bell pendant 10 ans, et 8 ans dans une manufacture comme réceptionniste. Difficultés à conserver ses emplois car ne faisait pas ce qu’on lui demandait, a été sur l’assurance-chômage une partie de sa vie. Déclarée invalide à 55 ans.

     

    Consommation d’alcool excessive par le passé (2 grosses bières par jour), aurait fait des séjours à Dollard-Cormier mais aurait eu plusieurs rechutes. Ne consommerait plus depuis juin 2016 (avec présence régulière des intervenants, pas raison de penser qu’elle consomme encore).

     

    Pour la RX, elle a toujours gérer ça toute seule, avec une dépendance aux benzos et consommation de produits en vente libre. Aime bcp l’Haldol pour soulager son anxiété. À ce jour, nous demeurons avec des doutes concernant la gestion de la médication, malgré une présence régulière de l’infirmière (très méfiante envers le CLSC par ailleurs).

     

    Au plan psychiatrique, difficile d’avoir accès à une histoire fiable.Suivi en externe de 86 à 2006, aurait abandonné le suivi par elle-même. Réévaluée en 2007 au MEL, référée en première ligne. Évaluée en 2010, avec retour en première ligne (trouble schizoaffectif vs bipolaire). Évaluée en 2013 (bipolaire), référée au Troubles anxieux et de l’humeur (bipolaire, sans éliminer le trouble schizoaffectif). Suivie de 2013 à 2015. Anxiété, consommation possible d’alcool. Retour en première ligne.

     

    Suivie ensuite en juin 2016. Au moment de la confusion, madame accumulait sa médication, qu’elle ne prenait plus depuis un mois.

     

    Elle passe ses journées assise, à boire du café et fumer des cigarettes. Discours stéréotypé et répétitif.

  • Julie Brosseau

    Membre
    22 septembre 2017 à 18 h 39 min

    Suggestion de lecture :

     

    Troubles bipolaires et démence : Association fortuite ou filiation. Menecier et al. 2007.

  • Jacinthe Lacombe

    Membre
    22 septembre 2017 à 18 h 48 min

    Merci julie.brosseau pour la suggestion! J’avais déjà fait une présentation sur le lien avec la bipolarité et les DFT en internat en 2012. Plus j’en apprends sur la dame (en lisant le dossier, car ce qu’elle rapporte n’est pas fiable pour deux sous), plus l’hypothèse d’un syndrome démentiel frontal associé à la pathologie psychiatrique au long cours me semble le plus probable. Ça demeure dans l’ordre des démences frontales, avec une symptomatologie similaire, mais possiblement une pathologie différente (pas démontré dans la littérature) et une évolution beaucoup plus lente…

     

    J’aimerais tout de même qu’elle se fasse évaluer par un neurologue pour éliminer la PSP (que je suspecte), bien que ça risque d’être difficile considérant la médication qu’elle prend au long cours. Je vais faire les recommandations d’usage dans mon rapport, avec les suggestions.

     

    Ceci dit, je suis tout à fait ouverte à vos réflexions!

  • Claudine Boulet

    Membre
    25 septembre 2017 à 16 h 07 min

    En stage à l’hôpital Notre-Dame avec Carole Deneault, j’avais vu un patient hospitalisé en psychiatrie, pour lequel nous avions convenu qu’il présentait clairement une MA, sans le moindre doute. Par la suite, Carole m’a dit avoir revu ce patient un an plus tard et il semble qu’à ce moment, le profil cognitif était tout à fait normal. Donc, on s’était royalement planté avec notre Dx de MA. J’ai retenu la leçon et je suis toujours restée hyper-prudente avant de parler de maladie déngénérative chez les patients avec maladies psychiatriques.

     

    Pour ce qui est de ta dame, j’ai l’impression que nous sommes assurément devant un cas multi-factoriel. Elle a assurément des troubles cognitifs mais les causes possibles sont multiples. Ce qui me dérange dans l’histoire est que ça fait longtemps qu’elle a des signes frontaux, dont l’apathie depuis au moins 2011 et perte d’intérêt pour le ménage depuis 2010. Je me serais attendue à des déficits frontaux beaucoup plus sévères dans tes tests, chez quelqu’un qui présenterait une DFT depuis 6-7 ans…

     

    Bref, pour ma part, je resterais très prudente dans ma conclusion, en disant qu’on ne peut pas exclure une DFT ou une PSP mais qu’il y a de nombreux facteurs qui entrent en jeu et qu’il est délicat de faire la part des choses. L’évolution de sa condition va certainement apporter plus de réponse et une réévaluation en neuropsy pourrait permettre d’objectiver s’il y a bien une détérioration dans le temps…

  • Caroline Larocque

    Membre
    25 septembre 2017 à 17 h 15 min

    Je suis d’accord avec Claudine. Il est préférable de rester très prudent chez des patients avec des problèmes de santé mentale chroniques.

    Je remarque notamment qu’on méprend souvent une accentuation des traits de personnalité frontale avec l’apparition de trouble de comportement de type frontal. Ainsi, chez quelqu’un qui a toujours présenté une certaine frontalité, une maladie d’Alzheimer typique pourrait avoir pour conséquence d’accentuer les traits de personnalité ou les faiblesses antérieures, le rendant ainsi plus désinhibé, désorganisé ou apathique. Pourtant, chez les plus jeunes patients surtout, il n’est pas rare que je vois comme hypothèse une démence fronto-temporale pour ce type de cas. Ainsi, il faut se poser la question: est-ce que cette patiente agit vraiment différemment d’avant? A t-elle des comportements bizarres ou de nouvelles lubies? Est-ce que c’est plutôt une accentuation de ce qu’elle était auparavant?

    Finalement, je remarque que chez les patients avec des problèmes de santé mentale chronique (ex.: bipolarité), on note souvent des atteintes fonctionnelles plus marquées que les problèmes cognitifs objectivés.

  • Julie Brosseau

    Membre
    26 septembre 2017 à 11 h 47 min

    J’ai vu des cas en psychiatrie où des problèmes de mémoire pouvant s’apparenter à une DTA étaient en fait liés à la médication.

     

    Dans le cas présent, il est possible que les traits frontaux présents depuis plusieurs années soient en lien avec la MAB et qu’il y ait une DFT surajoutée.

     

     

  • Jacinthe Lacombe

    Membre
    26 septembre 2017 à 12 h 23 min

    Merci beaucoup pour toutes vos réflexions. Je dois aller consulter le dossier médical complet ce matin même, en portant une attention particulière aux notes des intervenants passés concernant la négligence et l’apathie.