• Fonctionnement intellectuel

    Posted by Véronique Labelle on 9 décembre 2020 à 17 h 33 min

    Petit cas pour vous en ce midi enneigé !

    J’ai récemment rencontré une jeune femme 20 ans, droitière, sec II complété. En couple depuis quelques années. Pas d’enfant. Demeure actuellement dans un petit appartement seule. Pas encore de permis de conduire.

    Référée pour préciser si Dx TDA/H (Dx à l’enfance et traitée par psychostimulants), mais MD actuel demeure incertain.

    Dx actuels: TPL sévère + trbl anxieux. — TLUS antérieur (THC (débuté 14 ans) : complètement cessé depuis 1 an – apparait fiable.). Notion qu’elle peut avoir tendance à accentuer ses difficultés. 

    Développement

    Grossesse : Pas de consommation de drogue, alcool ni de médicaments. Violence psychologique. Problème endocrinien. Naissance : À terme. Accouchement difficile. APGAR inconnus. Bébé : calme, bon contact visuel. Marche à 13 mois, langage précoce et propreté à 14 mois. Pte avec atcd d’abus en bas âge pendant plusieurs années. Milieu socio-économique démuni ++. 

    Scolarité

    Apprentissages faciles (avec peu ou pas d’études). Classes régulières. Beaucoup d’amis. Très sociable. À l’adolescence, plus de conflits avec les pairs. Au cours du secondaire à été retirée de l’école et scolarisée à la maison parce qu’elle ne voulait plus aller à l’école. Dit avoir eu ++ difficulté avec l’algèbre. Orthopédagogie au secondaire (droit + tps et faire examen local à part).

    Médical

    Porteuse du gène de l’incontinence pigmentaire. Notion de TCC au début du secondaire sans changements cognitifs, comportementaux ni émotifs subséquents. Bilan sanguin normal pour ITSS il y a quelques années en lien avec abus ( a eu TX prophylaxie). Celexa, Seroquel, Benadryl (PRN insomnie), Morphine (5mg PO chaque 4 hres PRN), Nicorette (gomme), Nicoderm, Hyderm, Teva-Naproxen.

    Éval neuropsy (TVP tous normaux)

    Comportement immature (e.g. sautille sur son siège et s’applaudit lorsque réussi une épreuve). Par ailleurs, s’exprime bien, décrit très bien son historique médical. Tout à fait collaborante. Comprend bien les consignes. Bonne tolérance à l’effort cognitif. 

    Fonctionnement intellectuel : dans la zone frontière (QI abrégé de Meyers et al 2013 + Dyades de Denney et al 2015). 

    IVC frontière Connaissance Ss 5, abstraction Ss 4

    IRP basse moyenne Blocs 7, Im à compléter 6

    IMT basse moyenne Séquences chiffres 7 arithmétique 8

    IVT code 6

    Si je considère l’erreur de mesure, QI estimé = (68-78). 

    Langage normal, opérations numériques basse moyenne, HVOT faible probabilité de déficit (mais légère tendance au morcellement), Copie ROCF inférieure moyenne en raison peu attn aux détails, mais aucunement apraxique, Mémoire verbale haute moyenne, Mémoire visuelle moyenne, Mesulam A compromis vitesse (basse moyenne)- exactitude (déficitaire), Ruff 2 & 7 vitesse ++ diminuée en condition contrôlée, Inhibition stroop moyenne, Flexibilité stroop moyenne, légère fragilité trail B, Organisation adéquate, fluidité normale (alpha=  moyenne, caté= basse moyenne). CAARS difficilement interprétable (inconsistances). 

    Donc attitude immature, fonctionnement intellectuel estimé en zone frontière (abstraction ++ faible), légère tendance morcellement HVOT (mais résultat dans les normes), quelques difficultés attentionnelles & légère fragilité en alternance, IVT faible. 

    Autrement, le reste du profil est normal. 

    Je m’explique mal le niveau de QI actuel (et plus spécifiquement le niveau d’abstraction) compte tenu des jalons développementaux, du parcours scolaire primaire, du Dx psychiatrique et de l’arrêt de consommation de drogues. Une option que j’entrevois est celle de l’incontinence pigmentaire. Certains d’entre vous ont déjà eu de tels patients ?

    Voir l’article ci-joint où l’on mentionne, entre autres

    studies have reported that one-third of all IP patients are affected by seizures and mental retardation as a consequence of neurological damage …the absence of structural CNS abnormalities does not exclude the possibility that brain functions are altered.

    Seven women with IP (70%) had a full-scale IQ above 70 (FSIQ range 92–118) and three women with IP (30%) had intellectual deficiencies (FSIQ range 45–70). The PIQ and VIQ were not significantly different.

     learning abilities most affected are arithmetic reasoning and reading skills.

    Un autre abstract (en  attente réception article! https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27267212/) mentionne:

    Five girls had severe to mild intellectual deficiencies and the remaining nine had a normal neurodevelopment. Four girls were of school age and two of these showed no intellectual disability, but had specific disabilities in calculation and arithmetic reasoning. 

    Quelques  questions en vrac:

    1- Pour vous, est-ce possible qu’une personne ayant très bien réussi son primaire avec notes généralement en haut de la moyenne (sans trop d’étude et sans aide, classes régulières) puis présenter une DIL?

    2- Pour les collègues en enfance, une grande adversité en bas âge, peut-elle avoir des effets délétères spécifiques sur les capacités d’abstraction (qui pourrait expliquer en partie les difficultés en algèbre , entre autres, au secondaire)?

    3- Dans des cas où le QI est limite (mais pourrait être extrêmement faible considérant erreur de mesure), que cette découverte est plutôt fortuite (pas de suspicion de l’entourage ni de l’équipe médicale), et que la personne se débrouille bien au quotidien (avec un suivi SIV – a valider avec eux mais pte apparait fiable — ne coterait fort probablement pas à l’ABAS — donc pas de services spécifiques) auriez vous plutôt tendance à parler de QI en zone frontière + autres quelques difficultés — lien avec condition médicale. ?

    Merci à l’avance ;)/applications/core/interface/file/attachment.php?id=394″ data-fileExt=’pdf’ data-fileid=’394’>Incontinence pigmentaire.pdf

    Jacinthe Lacombe répondu Il y a 2 années, 9 mois 4 Membres · 6 Réponses
  • 6 Réponses
  • Julie Brosseau

    Membre
    9 décembre 2020 à 19 h 40 min

    https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jdv.16403

    Dans cet article, on dit que 88% des problèmes neuro dans l’incontinence pigmentaire se manifestent avant la fin de la première année de vie. 

  • Julie Brosseau

    Membre
    9 décembre 2020 à 19 h 50 min
  • Véronique Labelle

    Membre
    9 décembre 2020 à 19 h 50 min

    /index.php?/profile/282-juliebrosseau/&do=hovercard” data-mentionid=”282″ href=”<___base_url___>/index.php?/profile/282-juliebrosseau/” rel=””>@julie.brosseau Oui,  j’ai lu cet article ! Merci de le partager ici :)

    Sophie Tessier

    Membre
    11 décembre 2020 à 14 h 30 min

    J’éliminerais l’hypothèse de la DI. Concrètement tu as une difficulté qui est relativement isolée en compréhension verbale, surtout aux similitudes. Aucun autre test et aucun élément à l’historique (socialisation, performance scolaire jusqu’à l’adolescence) ni de plaintes dans le fonctionnement quotidien ne pointent vers une DI. Sur le plan comportemental, un TPL sévère peut montrer des régressions comportementales et affectives qui expliqueraient son immaturité.

    Maintenant pour expliquer ta faiblesse d’abstraction verbale, d’abord l’index de compréhension verbale découle de “l’intelligence cristallisée” et il est l’index le plus corrélé avec la performance académique. Vu le parcours scolaire à la maison à à partir du secondaire, ça peut expliquer en partie ton résultat. Sinon est-ce que tu as des observations qualitatives pendant la passation de ton test qui expliquerait ton résultat? Fatigue, désintérêt à la tâche,…? J’ai parfois de faibles résultats juste parce que la personne est agacée de se faire “reprendre” quand on demande de développer la réponse ou d’ajouter des détails, comme si elle était pris en défaut. C’est donc plus une question de structure du test que de connaissances…

  • Véronique Labelle

    Membre
    11 décembre 2020 à 18 h 28 min

    /index.php?/profile/255-sophie-tessier/&do=hovercard” data-mentionid=”255″ href=”<___base_url___>/index.php?/profile/255-sophie-tessier/” rel=””>@sophie-tessier Merci de ton message ! Je suis d’accord avec toi. L’ensemble de l’histoire développementale n’apparait pas évocateur d’une DI (à mon sens, qq1 qui réussi aussi bien au primaire et qui plus est dans un cadre familial difficile doit avoir de la résilience, mais aussi de bonnes capacités cognitives). 

    Le profil ne m’apparait pas uniquement affaissé a/n de l’abstraction verbale cependant. 

    L’immaturité, après avoir discuté avec une intervenante qui connait bien la patiente, m’apparait effectivement d’origine psy. 

    Les connaissances générales sont faibles, mais je crois aussi plausible que le niveau de scolarité  (et la qualité compte tenu d’une scolarisation partielle à la maison dans des circonstances douteuses) puissent être fortement contributifs. 

    On note un certain ralentissement également. 

    La patiente rapporte une incapacité totale à comprendre l’algèbre. Les faibles capacités d’abstraction/de formation de concept et de raisonnement sont certainement contributifs.

    Je crois possible que cette patiente présente ces difficultés d’abstraction de longue date. Pour l’étiologie, je ne suis toutefois pas convaincue que le fait que l’ICV corrèle avec la prestation académique (faible) soit l’unique cause. Le vocabulaire et les connaissances générales reposent grandement sur les apprentissages, mais l’abstraction nécessite d’autres fonctions telles que la formation de concept/catégories, le raisonnement, etc qui elles sont certainement développées en contexte scolaire, mais pas uniquement… 

    Pour ce qui est de la passation du test; très bien été. Aucune raison de croire qu’elle n’a pas «poussé» son raisonnement.

  • Jacinthe Lacombe

    Membre
    17 décembre 2020 à 17 h 17 min

    Cas intéressant. Je suis d’accord avec Sophie concernant la contribution de l’Axe II au comportement, et la faible probabilité quant à la DI.

    Concernant les capacités d’abstraction, je constate avec les patients âgés qu’elles sont ne pas si “cristallisées” que ça, et qu’elles sont assez dépendantes d’autres facteurs. Je me suis récemment penchée là-dessus car je m’expliquais mal les différences que je pouvais observer. Les capacités de conceptualisation/généralisation pourraient davantage dépendre des structures frontales mais médiales (supérieur médiales en fait) vs les autres fonctions dites plus dorsolatérales. Les structures frontales médiales sont impliquées dans le default mode network, et sont aussi liées au cortex cingulaire antérieur. Ainsi, je comprends qu’elles dépendent de l’état physique (considérant que certaines conditions physiques, dont la sédation et l’anoxie entre autres, jouent sur le default mode network) et affectif (notamment chez les déprimés, qui peuvent avoir de très faibles capacités de conceptualisation.. ça fait partie des manifestations dépressives, cette difficulté-là, à bien raisonner…). Ça cadre beaucoup avec ce que j’observe dans ma pratique. 

    J’ai vu des améliorations importantes du score aux Similitudes (passé de 3 à 8 lors du re-test trois ans plus tard chez une dame qui consommait notamment de l’alcool de manière importante à la première éval et qui avait beaucoup diminué sa consommation au re-test. 

    Ainsi, pour ton cas spécifique, je crois que la consommation active dans les années où le cerveau se développait encore ait pu contribuer aux limites quant aux capacités d’abstraction et au ralentissement (si tu crois vraiment que la consommation est cessée depuis.. car ça pourrait aussi fitter avec un profil de consommation je trouve, bien que l’activation mentale est généralement plus faible que ce que tu obtiens), sur un cerveau possiblement fragilisé par une condition génétique.