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Éthique et AMM
Question éthique:
Dame âgée de 67 ans, SEP, trouble de personnalité limite.
La TS au dossier veut ouvrir un régime de protection mais le médecin de famille n’est pas d’accord. On m’a donc demandé de l’évaluer afin de me prononcer sur son aptitude à prendre soin d’elle-même et à gérer ses biens.
J’avais déjà évalué cette dame en 2012 et 2015 (profil stable en 2015 comparativement à 2012).
Actuellement, je constate que son état s’est nettement détérioré en raison de la SEP. D’ailleurs, elle habite dans un CHSLD depuis 2016. Désormais, elle est paralysée des deux membres inférieurs ainsi que du bras gauche. Le bras droit est semi-fonctionnel mais elle n’arrive plus à allumer ses cigarettes elle-même. Il y a aussi une détérioration au plan cognitif, surtout en ce qui a trait à la mémoire et aux fonctions exécutives.
Déjà, en 2012 et 2015, madame tenait des propos suicidaires récurrents. À l’époque, la seule chose qui la retenait à la vie était son chat (chat qu’elle n’a plus depuis qu’elle habite en CHSLD). Actuellement, madame me dit qu’elle trouve la vie très très plate. Elle se sent emprisonnée entourée de personnes qui sont beaucoup plus atteintes cognitivement qu’elle-même. Elle n’aurait plus aucune personne significative dans sa vie (Toutes les personnes de son entourage qui étaient plus ou moins présentes auparavant ont coupé les ponts). Elle parlerait seulement à quelques employés du CHSLD. Elle n’aurait aucun intérêt, aucun plaisir dans la vie, rien qui l’anime. Sa vie se résumerait à attendre sa prochaine cigarette qu’elle fume à chaque demi-heure. Elle affirme qu’il n’y a absolument plus rien qui la retient à la vie. Elle aimerait mourir mais elle ne disposerait d’aucun moyen pour mettre fin à ses jours.
Je me suis questionnée (mais seulement dans ma tête) si madame sait, ou non, qu’elle pourrait faire une demande d’AMM. Je trouve ce sujet infiniment délicat à aborder avec un patient et ce, d’autant plus avec une personne qui a un trouble de personnalité limite avec des propos suicidaires antérieurs. Surtout, j’ai l’impression que ce n’est pas mon rôle d’informer les patients à ce sujet.
En même temps, je me demande : « C’est le rôle à qui? ».
Et, la question continue à “me travailler”. Ce qui me dérange, c’est la question des “droits du patient”. Je suis profondément convaincue que peu importe qu’on soit pour ou contre l’AMM, il reste que tous avons le droit d’en faire la demande (et, je crois qu’à partir du moment où une demande est adressée, il y a tout un processus qui permet de s’assurer si la demande est recevable ou non…). Si madame n’est pas informée qu’elle a ce droit de faire une demande d’AMM, elle est alors brimée dans ses droits, à mon avis, et c’est cela qui me dérange.
J’aimerais beaucoup lire vos opinions/commentaires face à une telle situation…