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  • Éthique et AMM

    Posted by Claudine Boulet on 23 décembre 2021 à 14 h 41 min

    Question éthique:

    Dame âgée de 67 ans, SEP, trouble de personnalité limite.

    La TS au dossier veut ouvrir un régime de protection mais le médecin de famille n’est pas d’accord. On m’a donc demandé de l’évaluer afin de me prononcer sur son aptitude à prendre soin d’elle-même et à gérer ses biens.

    J’avais déjà évalué cette dame en 2012 et 2015 (profil stable en 2015 comparativement à 2012).

    Actuellement, je constate que son état s’est nettement détérioré en raison de la SEP. D’ailleurs, elle habite dans un CHSLD depuis 2016. Désormais, elle est paralysée des deux membres inférieurs ainsi que du bras gauche. Le bras droit est semi-fonctionnel mais elle n’arrive plus à allumer ses cigarettes elle-même. Il y a aussi une détérioration au plan cognitif, surtout en ce qui a trait à la mémoire et aux fonctions exécutives.

    Déjà, en 2012 et 2015, madame tenait des propos suicidaires récurrents. À l’époque, la seule chose qui la retenait à la vie était son chat (chat qu’elle n’a plus depuis qu’elle habite en CHSLD). Actuellement, madame me dit qu’elle trouve la vie très très plate. Elle se sent emprisonnée entourée de personnes qui sont beaucoup plus atteintes cognitivement qu’elle-même. Elle n’aurait plus aucune personne significative dans sa vie (Toutes les personnes de son entourage qui étaient plus ou moins présentes auparavant ont coupé les ponts). Elle parlerait seulement à quelques employés du CHSLD. Elle n’aurait aucun intérêt, aucun plaisir dans la vie, rien qui l’anime. Sa vie se résumerait à attendre sa prochaine cigarette qu’elle fume à chaque demi-heure. Elle affirme qu’il n’y a absolument plus rien qui la retient à la vie. Elle aimerait mourir mais elle ne disposerait d’aucun moyen pour mettre fin à ses jours.

    Je me suis questionnée (mais seulement dans ma tête) si madame sait, ou non, qu’elle pourrait faire une demande d’AMM. Je trouve ce sujet infiniment délicat à aborder avec un patient et ce, d’autant plus avec une personne qui a un trouble de personnalité limite avec des propos suicidaires antérieurs. Surtout, j’ai l’impression que ce n’est pas mon rôle d’informer les patients à ce sujet.

    En même temps, je me demande : « C’est le rôle à qui? ».

    Et, la question continue à “me travailler”. Ce qui me dérange, c’est la question des “droits du patient”. Je suis profondément convaincue que peu importe qu’on soit pour ou contre l’AMM, il reste que tous avons le droit d’en faire la demande (et, je crois qu’à partir du moment où une demande est adressée, il y a tout un processus qui permet de s’assurer si la demande est recevable ou non…). Si madame n’est pas informée qu’elle a ce droit de faire une demande d’AMM, elle est alors brimée dans ses droits, à mon avis, et c’est cela qui me dérange.

    J’aimerais beaucoup lire vos opinions/commentaires face à une telle situation…

    Claudine Boulet répondu Il y a 1 année, 6 mois 4 Membres · 8 Réponses
  • 8 Réponses
  • Genevieve Primeau

    Membre
    3 janvier 2022 à 17 h 28 min

    Un sous-comité de l’AQNP travaille sur ce sujet, qui est tout à fait d’actualité et touche de plus en plus la pratique des neuropsy, d’autant plus qu’il n’y a désormais plus le prérequis d’être ‘en fin de vie’. Une présentation sur le sujet avait d’ailleurs été faite lors du Congrès de 2020 par Simon Charbonneau et Véronique Labelle, à laquelle il est possible de se référer pour plus d’info. À titre de membre de ce comité, sache que nos travaux avancent progressivement, et nous souhaitons en faire profiter la communauté des neuropsy dans les prochains mois.

    À titre personnel, il m’apparait utile de souligner que l’AMM est identifiée au Québec comme un ‘soin’. Pas une possibilité obscure ou une alternative de tout dernier recours, mais bien un soin. Il revient donc à tous les intervenants impliqués auprès des patients d’y faire allusion quand les circonstances s’y prêtent. Même que dans la loi, tous les professionnels de la santé sont autorisés à faire signer le formulaire de demande d’AMM (formulaire initial qui est simplement pour faire état que le patient souhaite approfondir cette avenue). Par mesure de précaution, tu pourrais peut-être annoncer ton intention au médecin responsable de la patiente au préalable, mais il n’y a aucune obligation légale en ce sens. Comme tu le sous-entends, le fait d’informer la patiente qu’un tel soin existe n’équivaut pas à le recommander, et si la patiente s’y montre intéressée une démarche exhaustive impliquant 2 médecins devra ensuite être réalisée pour vérifier si la patiente est admissible à ce soin. Cela impliquera notamment de déterminer si elle présente des souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables. Aussi, les médecins pourront vouloir solliciter ton implication pour déterminer l’aptitude de la patiente à consentir à ce soin. 

    Donc pour ma part, bien d’accord pour prioriser les ‘droits du patient’.

    Curieusement, ta description de cas correspond très bien à un cas où j’ai été impliquée pour clarifier l’aptitude (…l’AMM a été réalisée). 

  • Véronique Labelle

    Membre
    4 janvier 2022 à 14 h 21 min

    Bien d’accord avec vos propos mesdames !

    J’ajouterais que si un patient nous fait part de son souhait d’obtenir l’AMM nous nous devons de lui faire signer la demande d’accès à l’AMM  (ou à tout le moins de trouver dans un court délai quelqu’un qui le fera) . Nous n’avons pas à juger à cette étape de l’admissibilité de la personne. Cela fera l’objet d’évaluations ultérieures. 

    En ce qui concerne les aspects affectifs/idées suicidaires, les MD 1 et 2 qui évalueront le patient/la patiente, peuvent toujours demander un avis à un psychiatre consultant afin de préciser la dimension affective de l’aptitude de cette personne à consentir à l’AMM si jamais ils (ou vous) demeurez incertains au terme de votre propre évaluation. 

    J’ai eu un cas similaire dernièrement, et honnêtement, avec le retrait du critère de fin de vie, fort à parier que nous aurons plus de demandes de ce type dans le futur. 

  • Claudine Boulet

    Membre
    5 janvier 2022 à 14 h 06 min

    J’ai seulement dit à l’équipe impliquée auprès de madame que j’aimerais organiser une rencontre d’équipe pour discuter de la question d’informer madame de ses droits et j’ai déjà reçu des réactions fortes… Ce qui est certain est que c’est un sujet délicat qui fait réagir!

  • Véronique Labelle

    Membre
    5 janvier 2022 à 14 h 28 min

    /index.php?/profile/38-claudine-boulet/&do=hovercard” data-mentionid=”38″ href=”<___base_url___>/index.php?/profile/38-claudine-boulet/” rel=””>@Claudine Boulet c’est très certainement un sujet délicat, tu as raison. 

    Je trouve ton idée de convoquer l’équipe pour discuter de la question est sensible, respectueuse et juste. 

    C’est à mon sens une belle manière de respecter l’équipe de soin en place tout en ayant le soucis de t’assurer que la personne ait toute l’information nécessaire pour éventuellement prendre une décision éclairée :)

    Karen Debas

    Membre
    3 mars 2022 à 16 h 43 min

    Sujet délicat et bien intéressant!

    Je seconde Véronique /index.php?/profile/38-claudine-boulet/&do=hovercard” data-mentionid=”38″ href=”<___base_url___>/index.php?/profile/38-claudine-boulet/” rel=””>@Claudine Boulet, vu qu’il pourrait y avoir une répercussion sur l’équipe c’est une bonne idée d’en parler avec eux en premier. En lisant ton premier message je dois dire que j’aurai probablement les mêmes impressions et questionnements que toi (c’est le rôle de qui?).

    D’un côté j’aimerai crier sur les toits des CHSLD que les critères de l’AMM ont été modifiés, en même temps, je dois dire que j’ai un malaise à l’idée d’informer une personne en particulier qui ne serait pas au courant de ce “soin”. Je peux imaginer qu’une discussion avec ta patiente pourrait en arriver là si elle demande explicitement si c’était possible de mettre fin à ses jours/ses souffrances; mais de proposer l’AMM, j’aurai peur de l’interprétation de la part de la patiente (de surcroit s’il y a un TP)… c’est une bonne idée de spécifier que ce n’est pas parce qu’on l’informe du soin qu’on le recommande, cependant ma crainte est que malgré cette précision la patiente se dise que si un professionnel de la santé lui parle de ce soin la, c’est probablement parce que sa vie ne vaut pas la peine d’être vécue… et ça c’est naturellement pas a nous d’en juger. 

    Vu que ton message date un peu as-tu des nouvelles à ce sujet Claudine? Je crois que tout est dans la façon de présenter l’option de l’AMM… une façon qui permettrait de respecter les droits de la personne, mais également de s’assurer qu’on minimise les possibilités d’influencer son choix…?!

  • Claudine Boulet

    Membre
    4 mars 2022 à 15 h 41 min

    Et bien, la discussion en équipe multidisciplinaire est toujours “en attente”. Il semble qu’au CHSLD où vit la dame, ils sont toujours débordés en raison d’éclosions répétées.

    J’avais discuté avec la TS et nous étions d’accord pour dire que c’est délicat pcq: – Connaissant la dame, si un.e intervenant.e lui parle d’AMM, il y a de fortes chances que la dame dise ensuite à tous que l’intervenant.e lui a recommandée de demander l’AMM. D’où la nécessité d’une discussion d’équipe au préalable pour éviter les malentendus. – Aussi, ce n’est pas clair si la dame serait reconnue comme étant apte à consentir à ce soin. L’interaction de son TP limite avec troubles exécutifs liés à la SEP donnent des réactions souvent exaspérantes ce qui fait en sorte que le personnel sur le terrain remet souvent en question sa capacité à comprendre des informations données. il y a donc une crainte que si madame adresse une demande qui lui est refusée, ses réactions risquent alors fortement d’être difficiles à gérer.

    Cela dit, je maintiens mon point sur le fait que madame a tout de même le droit d’être informée. Mais apparemment, il faut que je sois patiente…

  • Véronique Labelle

    Membre
    18 mars 2022 à 14 h 33 min

    /index.php?/profile/38-claudine-boulet/&do=hovercard” data-mentionid=”38″ href=”<___base_url___>/index.php?/profile/38-claudine-boulet/” rel=””>@Claudine Boulet Il y a actuellement une discussion sur le forum des GIS relativement à cette question : comment les patients peuvent être informés sur la possibilité de ce soin à même titre que tous les autres. 

    Et jusqu’à présent, peu de réponses…

    Je crois que la principale inquiétude demeure d’avoir cette impression de «promouvoir» ce soin. 

    Pas simple tout ça… 

  • Claudine Boulet

    Membre
    18 mars 2022 à 17 h 04 min

    En décembre dernier, j’avais échangé avec une infirmière consultante en soins palliatifs par rapport à mon questionnement. Et, elle m’avait répondu ceci:

    On a tous le droit d’informer sur le droit à l’AMM. Dépend comment on l’aborde et la suite.

     
    Quelque fois durant la conversation, ça se glisse bien de dire par exemple: 
    • Quand vous me dites vouloir mourir, me parlez-vous de l’AMM? de la piqure qui fait mourir? une forme d’euthanasie?
    • Seriez-vous prête à avoir une heure, une date?
    • Aimeriez-vous pouvoir en parler un peu plus avec des personnes qui accompagnent les personnes voulant l’AMM?
    • Il y a des critères selon la loi mais on pourrait vous l’expliquer plus mais seulement un médecin peut se prononcer sur la légitimité de recevoir l’AMM
    Dans une situation comme celle-ci, il est préférable d’en parler avec le médecin et l’équipe traitante avant d’ouvrir le sujet pour voir leurs points de vue. Une rencontre inter pourrait être indiquée. 
    Il est clair que si elle n’est pas apte à consentir aux soins, on évite le sujet car elle n’est pas éligible. Par contre, il est important pour ceux qui le demande clairement de dire la non éligibilité. ”